Les mutuelles sont légitimes sur le sujet de l’alimentation

Comme hier en matière de santé ou de logement, les mutuelles ont un rôle à jouer pour pousser le sujet d'une sécurité sociale alimentaire. Entretien avec Emilie Banny, Vice-Présidente « Santé, société, vulnérabilités » . Présidente de la Fondation d'entreprise et Administratrice référente ESS Groupe VYV.
Les mutuelles sont légitimes sur le sujet de l’alimentation
Date de publication : 25 octobre 2024

On parle aujourd’hui de l’alimentation comme un déterminant majeur de la santé. Pourtant, cela n’a pas toujours été perçu de cette manière. Comment expliquez vous ce changement ?

Émilie Banny : Je pense que le premier élément de réponse, c’est l’inflation alimentaire. Cela a mis en lumière le fait que de nombreuses personnes n’arrivaient même plus à se nourrir correctement. Après cela, vient la question de la qualité des aliments. Quand on ne peut pas répondre à ce besoin primaire avec des produits de bonne qualité, l’impact sur la santé est direct. Il existe aussi un problème concernant le système d’aide alimentaire, qui, à l’origine, devait pallier une situation de précarité, mais qui, aujourd’hui, devient pour certaines personnes, la principale source d’approvisionnement alimentaire. Ce système n’a pas été conçu pour cela.

Ajoutons à cela des données purement sociologiques et on mesure davantage encore l’étendue de la question. Pour les familles monoparentales par exemple, les difficultés sont très marquées : les logements sont plus petits et moins bien équipés, ce qui complique la préparation des repas. Le coût de l’énergie entre également en jeu : cuisiner nécessite d’utiliser des plaques, un four, ce qui pousse certaines personnes à se tourner vers des produits ultra transformés parce que plus rapides et moins chers, même si la qualité n’est pas au rendez-vous.

On observe également cette tendance chez les jeunes, avec bien sûr des difficultés financières, mais aussi une capacité réduite à cuisiner, que ce soit par manque de matériel ou de savoir-faire. Nous sommes à la croisée de plusieurs enjeux : sociétaux, économiques, environnementaux… J’ajouterai enfin que la question environnementale est devenue centrale, avec une prise de conscience accrue concernant les pesticides, les intrants, la qualité de l’eau et des sols. Les gens s’interrogent légitimement sur l’impact des produits qu’ils consomment sur leur santé.

 

On pourrait s’étonner que les mutuelles, ou plus largement l’ESS, se saisissent de ces sujets. N’est-ce pas plutôt à l’État ou à d’autres organismes d’agir ?

 

E.B : Pour moi, c’est un sujet qui relève de la société civile, et les mutuelles en font partie. Nous sommes des acteurs du progrès social, capables de détecter les besoins non couverts sur le terrain, que ce soit en matière de logement, d’alimentation ou de santé. Nous avons la légitimité de rassembler les forces locales et de créer des solutions adaptées grâce à la concertation et à la mutualisation. Même dans une situation de vulnérabilité, les individus peuvent puiser en eux et autour d’eux pour trouver des solutions. Cela prend plus de temps que des décisions imposées d’en haut, mais le processus démocratique et participatif permet une meilleure adhésion et une plus grande appropriation des solutions.

 

On a souvent opposé les notions de « fin du monde » et « fin du mois ». Vous faites le pari qu’il ne faut pas les opposer, mais au contraire agir pour que les personnes précaires puissent avoir accès à une alimentation saine malgré leurs difficultés économiques. C’est un défi ambitieux, non ?

 

E.B : C’est un défi, en effet ! Mais c’est ce que nous essayons de relever, notamment à travers des initiatives comme l’idée de sécurité sociale alimentaire. L’idée est de mutualiser les ressources pour permettre à tous d’avoir accès à une alimentation de qualité. Cela passe par des partenariats locaux avec des producteurs et des distributeurs pour encourager des pratiques vertueuses. On ne parle pas uniquement de bio, mais aussi de local, d’épiceries coopératives ou sociales… Bref, de toutes les solutions qui peuvent être mises en place à l’échelle locale.

 

Quels sont vos objectifs à moyen terme ? Avez-vous des objectifs quantifiables ou simplement des axes d’action prioritaires ?

 

E.B : À l’échelle du Groupe VYV, nous avons intégré la question de la santé et de l’alimentation dans notre stratégie d’économie sociale et solidaire. Cela concerne différents métiers du groupe, que ce soit en assurance, en prévention ou dans les établissements recevant du public comme les EHPAD. Nous travaillons à améliorer l’alimentation dans ces établissements et les résultats sont encourageants. Non seulement cela a un impact positif sur la santé des résidents, mais cela permet aussi de réduire les coûts liés à la supplémentation en compléments alimentaires. De plus, offrir une alimentation de qualité participe à l’attractivité des métiers. Pour les soignants, savoir que les repas sont préparés avec des produits locaux et servis aux résidents, cela donne du sens à leur travail. Cela apporte du sens.

Nous avons donc des objectifs, que ce soit en matière de pouvoir d’achat, de santé ou d’alimentation, mais aussi en termes de mieux-être pour les habitants. L’alimentation devient un levier pour améliorer d’autres aspects de la vie, comme le logement ou la santé.

 

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