L’IA en santé doit être pensée comme un outil supplémentaire 

A l’occasion de l’émission spéciale « La santé d’abord » du 7 avril 2024, consacrée à la santé du futur, la question de l’innovation en santé a occupé une place importante. Le docteur René Bokobza, radiologue et invité de l’émission est revenu pour nous sur l’impact attendu de l’IA en santé. 
L’IA en santé doit être pensée comme un outil supplémentaire 
Date de publication : 10 juin 2024

 

 

Votre vision est que l’intelligence artificielle n’est pas une solution en soi, mais qu’elle doit être comprise comme un outil complémentaire aux dispositifs déjà existants.  Comment cela peut-il fonctionner ? 

L’intelligence artificielle est effectivement un outil extrêmement performant qui va aider le médecin, mais qui selon moi, ne le remplacera jamais. Je peux me tromper à un horizon de 10 ou 30 ans, mais en l’état actuel, c’est le cas ! Ce dont je suis convaincu, c’est que nous avons et aurons toujours besoin de l’expertise humaine pour accompagner les patients, aussi bien pour des dispositifs préventifs que curatifs. Je rencontre, bien sûr, des étudiants en médecine, et notamment en radiologie, qui se questionnent sur l’intérêt qu’ils auraient ou non à suivre une formation, dans un domaine où ils imaginent que l’IA prendrait demain toute la place. C’est faux ! 

Rien ne remplacera jamais la relation qui existe entre un patient et un médecin. Le patient est une entité globale. Il n’est pas juste un assemblage de symptômes ou de pathologies et seul un médecin est capable d’effectuer ce travail de questionnement et de synthèse entre des données techniques produites par les analyses, l’imagerie médicale et l’intelligence artificielle, et son expérience de l’humain. 

Certaines radios vont vous donner des indications bénignes alors que vous avez devant vous un patient dont vous pouvez pleinement mesurer la douleur qu’il endure. L’inverse est d’ailleurs tout aussi possible et permet, en face d’un patient dynamique et réactif, de relativiser des résultats qui pourraient, faute de cet échange direct, être considérés plus alarmants. 

C’est pourquoi je reste convaincu que l’IA ne va pas remplacer l’humain. C’est un outil performant, mais ce n’est qu’un outil ! Ce qui est vrai en revanche c’est que le recours à l’IA va nous faciliter la tâche et surtout nous permettre de gagner un temps précieux dans l’analyse des données, et avec une meilleure qualité. 

 

Est-ce qu’on peut espérer que l’utilisation de plus en plus importante de l’intelligence artificielle libère plus de temps pour les médecins, du temps qui par exemple pourrait être consacré à améliorer la relation avec le patient ? 

Je crains que nous n’en soyons pas encore là. Les délais d’attente sont tels dans certaines disciplines (c’est notamment le cas pour moi en radiologie), que la priorité sera d’abord de pouvoir recevoir davantage de patients. Malgré les performances de l’outil et le gain de temps généré, cela ne suffira pas à résorber la pénurie de médecins et faire face à l’augmentation croissante du nombre de patients. 

On peut le regretter tant le dialogue entre médecin et patient est aussi ce qui fait la beauté et l’intérêt du métier, mais il faut être réaliste : à ce jour, l’urgence des médecins est, et sera encore pour assez longtemps, de pouvoir recevoir davantage de patients dans un même laps de temps. Toutefois apportons une note positive à notre débat : la jeune génération est investie dans le métier et de nombreux acteurs s’organisent aujourd’hui pour agir pleinement sur la dimension préventive de la santé, à l’instar du Groupe VYV, qui tend à faire de la santé un droit effectif pour tous.

Cela va dans le bon sens. 

 

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