Protéger l’humain et préserver les écosystèmes : le temps de l’action

71 % (*) des Français jugent que la dégradation de l’environnement et le changement climatique seront préjudiciables à leur santé et 88% qu’ils le seront pour les générations futures. Ces chiffres inquiètent, interrogent et appellent des réponses. Entretien avec Stéphanie Goujon, directrice de l’empreinte mutualiste du Groupe VYV.
Protéger l’humain et préserver les écosystèmes : le temps de l’action
Date de publication : 29 juillet 2024

Le Groupe VYV est aujourd’hui un des rares acteurs dans la sphère mutualiste, à porter le combat autour du lien entre santé et environnement. Comment l’expliquez-vous ?

Ce qui nous guide, c’est notre raison d’agir. Faire en sorte que la santé soit accessible à tous, c’est évidemment établir ce lien évident entre santé et environnement. Et puisque notre groupe est leader en santé et protection sociale, il était logique que nous nous emparions de ce déterminant de santé. Si on fait aujourd’hui le lien entre climat, santé, et biodiversité, c’est que cet impact est désormais avéré. La dégradation de la biodiversité, les dérèglements climatiques… Tout cela pèse sur notre santé. Tenter d’agir sur le climat et la perte de biodiversité, c’est en premier lieu, et même si on ne peut pas réduire le sujet à cela, poursuivre l’action déterminée qui est la nôtre en termes de prévention. Tout cela est au cœur de la stratégie du groupe, mais il faut noter qu’il existe sur ce sujet une réelle sensibilité de nos dirigeants qui ont souhaité le porter dans notre Plan stratégique VYV 2025.

Reconnaissons aussi que tout le monde s’est vu tenu de s’aligner sur une réglementation devenue nettement plus exigeante. Mais là où la plupart des entreprises ont vécu cela comme une contrainte, nous avons choisi d’en faire un axe d’opportunité en cherchant à maximiser l’impact que nos actions pourraient produire sur le quotidien des Français. Pour penser le sujet sur le long terme, nous nous sommes d’abord attachés à savoir comment nous allions organiser notre action. En l’occurrence, nous avons commencé par décarboner nos activités parce que cela représente tout de même pour notre groupe 8% des gaz à effet de serre. D’ores et déjà, ces actions vont permettre d’atténuer le choc et nous permette d’endosser pleinement notre statut d’acteur responsable. Mais une fois ce premier volet mis en place, reste tout ce que l’on peut faire en tant qu’opérateur de santé, en tant qu’investisseur, et en tant qu’employeur. Et là, le champ des possibles est très large.

Le fait que nous soyons un groupe de référence nous contraint d’une certaine façon à l’exemplarité ?

Oui, tout à fait, et encore plus en tant qu’opérateur de santé ! Nous avons un large registre d’actions parce que nous agissons à la fois sur la sensibilisation, la pédagogie, et ce qui va être plus classiquement associé à la prévention. On peut alerter, on peut poser des diagnostics… C’est d’ailleurs l’objet du Livre blanc Santé Environnement que nous avons publié et qui s’intitule « diagnostic et premier pas en santé environnement ».

Le premier des constats à poser, c’est que la cause principale de mortalité environnementale, c’est la pollution de l’air. Chaque année ce sont 46 000 décès prématurés ! C’est autant, voire plus, que le tabac ! Rendre publics ces constats c’est accepter de jouer un rôle de lanceur d’alerte. C’est en tous cas notre devoir d’en parler.
Et puis, en tant qu’assureur, nous pouvons faire aussi agir en réduisant les risques. L’exemple que je pourrais donner en la matière est l’expérimentation actuellement menée en région Normandie avec le Health data hub qui nous permet de croiser des données environnementales et des données de santé avec pour objectif de mieux faire le lien entre l’apparition des pollens et les allergies. Ce dispositif permet de prévenir les gens en amont et les inciter à prendre leurs médicaments au bon moment.

Plus largement, je pense qu’on ne peut pas proclamer, dans un manifeste, le droit à la santé pour tous, sans s’attaquer frontalement à cette cause, qui impacte et impactera de plus en plus la santé de nos concitoyens. Je n’oublie pas non plus que nous sommes avec l’ensemble de nos entités, des entreprises mutualistes : nous savons mobiliser, faire coopérer des institutions, des entreprises et des habitants autour d’un même sujet.

72 % des Français sont d’avis que la dégradation de l’environnement et le changement climatique leur seront préjudiciables, et 88 % qu’ils le seront pour les générations futures. Ils ont raison. Au-delà de l’impact sur les écosystèmes et les ressources, la crise écologique est une menace majeure sur la santé publique, encore sous-estimée : événements climatiques extrêmes, pandémie, pollutions, font chaque année des millions de morts et de malades.

Dans cette dimension partenariale, vous incluez notre action en relais des pouvoirs publics ?

Bien sûr ! L’Etat prend évidemment sa part sur ces thématiques. On peut penser au Plan national santé environnement qui montre qu’effectivement ce sujet commence à être pris en considération, mais je voudrais rappeler, selon la formule consacrée, que « l’Etat n’a pas le monopole de l’intérêt général » ! Autant il est tout à fait intéressant que des acteurs économiques non lucratifs, dans une optique de coopération, s’emparent de ces sujets d’intérêt général aux côtés de l’Etat, autant je suis persuadée que nous pouvons faire beaucoup plus que l’Etat. Reste bien sûr le besoin d’un cadre règlementaire et légal qui nous permette de travailler efficacement, et sur ce plan, c’est évidemment à l’Etat d’agir.

Le plan stratégique VYV 2025 posait l’ambition d’une exemplarité en termes d’empreinte environnementale. On a le sentiment, alors que la préparation du prochain plan va débuter, que le groupe a envie d’aller plus loin, d’élargir son champ d’action et de pousser ces sujets plus encore qu’il ne l’a fait jusqu’à présent ?

C’est parfaitement exact ! D’abord parce que l’évolution de certains éléments règlementaires fait que ces questions deviennent centrales. C’est le cas des différentes directives européennes, de la CSRD qui pousse les entreprises à s’interroger sur leurs politiques et à se mettre en cohérence avec l’Accord de Paris… C’est une logique à l’œuvre qui va continuer de produire des effets transverses. Et puis il y a un deuxième volet que j’appellerais « notre volonté politique » : nous avons un président qui en a appelé à ce que le groupe devienne un des leaders en santé environnement. Cette volonté nous engage collectivement.

Par ailleurs, les effets du dérèglement climatique sont de plus en plus visibles. Le réchauffement s’accélère, et avec lui la cohorte d’évènements climatiques : canicules, sécheresses, inondations… Sans compter ce qui se voit moins et qui a au moins autant d’importance : la raréfaction de l’eau, la disparition massive d’espèces animales, et bien sûr la pollution de l’air. On considère aujourd’hui que 30 % des nouvelles maladies infectieuses sont liées à la dégradation des écosystèmes (1) et près d’un quart des décès sont, selon l’OMS imputés à des problématiques environnementales. Santé publique France avait de son côté avancé le fait que le premier facteur pesant sur notre santé, était l’environnement, entendu au sens large du terme.

Reste que certains sujets sont difficiles à traiter et que l’action que nous pouvons avoir sur eux parait plus distante. C’est typiquement le cas de la biodiversité : comment expliquer qu’un groupe tel que le nôtre peut avoir une influence sur ce sujet ? Et pourtant, nous avons bel et bien une influence ! Je citais le travail de suivi des pollens, c’est un exemple mais d’autres initiatives sont à l’œuvre comme, par exemple, le Fonds Forêts. Des terrains qui paraissent pourtant très éloignés de la question des écosystèmes s’avèrent tout aussi fondamentaux. C’est notamment le cas de nos politiques d’investissements. En choisissant de financer les organisations les plus exemplaires et en retirant nos investissements à celles qui ne le sont pas, nous contribuons à faire bouger les lignes. On commence à calculer l’empreinte biodiversité pour que cela devienne aussi un outil de pilotage. Je crois que nous devons accepter le fait que la biodiversité est un sujet complexe mais que nous pouvons aussi y apporter des réponses concrètes sur la base de coopérations et d’alliances. Et cette méthode, nous la connaissons bien, c’est celle qui est à l’œuvre au quotidien dans le mutualisme.

Enfin, il faut surtout que nous comprenions que sur ces sujets, tout est lié. Il existe par exemple un lien avéré entre hausse des températures et taux de suicides, on parle désormais d’éco anxiété, et donc de santé mentale… Rien ne doit être négligé et tous ces éléments interagissent.

Alors, effectivement, la manière dont notre groupe est constitué, la complémentarité des métiers, notre présence forte sur le terrain et au plus près des réalités… tout cela fait que nous avons un rôle majeur à jouer en la matière.

Même si la prise de conscience d’une urgence est partagée par tous, nous n’en sommes encore, le plus souvent, qu’au stade des expérimentations. C’est un passage obligé ?

Regardons le chemin parcouru ! Il y a encore quelques années, les craintes que nous identifions clairement aujourd’hui n’étaient considérées comme une urgence que par quelques spécialistes. Ce lien entre santé et environnement n’était pas identifié comme une priorité.

Alors bien sûr, nous n’en sommes pas encore à concevoir des dispositifs capables de répondre à toutes les situations. Nous sommes effectivement dans cette phase où nous expérimentons beaucoup. C’est le cas avec le Health Data Hub et son travail sur les pollens, mais nous lançons aussi des projets pionniers comme le Label logement santé. Aujourd’hui ce label c’est du concret, avec plus de 1300 logements labellisés d’ici 2026. Nous travaillons aussi le sujet de l’alimentation avec notre programme Exploration(s), lui aussi basé sur des coopérations fortes avec les acteurs de terrain. En interne, nous avons développé une formation sur ce lien santé-climat-biodiversité, une formation également ouverte à nos partenaires.

Vous avez développé une politique très active de partenariats. C’était une nécessité ?

Vous avez développé une politique très active de partenariats. C’était une nécessité ?

Nous n’avons pas le choix ! Nous n’avons pas la ressource, les compétences, l’expertise… et nous avons, sur ces sujets là, besoin de tout le monde. Je n’aime pas beaucoup le mot « systémique », mais en l’occurrence, nous sommes face à une telle complexité des enjeux, à une telle interdépendance des problématiques, qu’il est impossible de n’en traiter qu’une seule sans traiter les autres, faute de quoi nous ne répondrons qu’à une toute petite partie de la question. Nous sommes vraiment en train de changer de registre dans l’appréhension des enjeux. C’est le cas lorsque l’on parle de santé globale. On évoque des interactions, des relations de cause à effet, des effets induits… en y ajoutant une dimension économique. Donc effectivement, on ne peut pas faire cela tous seuls. Il y faut une pluralité d’acteurs.

Ce dossier est finalement dans la continuité de votre action et de votre engagement personnel ?

La fibre écologique guide mon parcours depuis de nombreuses années, de l’Agence du Don en Nature à mon mandat au Conseil Economique Social et Environnemental, jusqu’à mes responsabilités au sein du Groupe VYV, je plaide pour une cohérence économique, sociale et environnementale. Fin du monde et fin de mois sont imbriquées, on ne peut pas traiter l’un sans l’autre et je suis fière que notre groupe affiche ses ambitions à devenir leader en santé environnement. C’est un des éléments qui m’a motivé pour rejoindre le groupe. Ce qui me pousse, au quotidien et au-delà des beaux discours, c’est de contribuer à l’action. Je suis convaincue que pour y parvenir, il faut mobiliser une pluralité d’acteurs et organiser des alliances de projet. Avec leur position de tiers de confiance ancrés dans le territoire, les acteurs mutualistes ont un rôle majeur à jouer dans ces nouvelles formes de coopération. Le défi est immense, mais nous serions coupables de ne pas le tenter.

 

(1) Source : Enquête Viavoice – Groupe VYV, décembre 2022)

  • Livre blanc Santé et Environnement
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