Prévoir pour bien vieillir

Dans le cadre de notre observatoire de l’imprévoyance, nous rencontrons Anne Géron, gérontologue et consultante en bien vieillir et bien mourir auprès des mutuelles notamment. Elle nous invite à appréhender avec lucidité et sérénité les tabous qui entourent la perte d’autonomie, la dépendance ou le décès.
Prévoir pour bien vieillir

Qu’est-ce qui explique, selon vous, que les Français s’intéressent si peu à la prévoyance ? Y a-t-il un déni des risques liés à la perte d’autonomie et à la mort ?
Anne Géron : Je ne pense pas. Tout le monde sait qu’en vieillissant, nous perdons forcément de l’autonomie et que mourir est à la dernière étape de notre vie. C’est plutôt qu’habituellement, nous nous assurons contre le risque ; pas contre quelque chose d’inéluctable.

Je pense que le manque de prévoyance est davantage lié à un manque de sensibilisation et d’éducation à la perte d’autonomie, au vieillissement et à la mort.
Certaines personnes peuvent aussi éviter le sujet par superstition. Mais prévoir n’a jamais fait mourir. Au contraire, prendre conscience du chemin qui nous attend aide à reprendre le contrôle sur les conditions de sa fin de vie et de sa mort.

Est-ce une spécificité française d’éviter la question ?
Je pense que nous sommes, en France, dans une logique d’assistanat sur les sujets de santé et de vieillissement ; nous demandons à l’État de pourvoir à nos besoins et à nos soins. Nous avons aussi tendance à compter beaucoup sur notre réseau familial et social. Finalement, ce sont plutôt les gens seuls ou qui se sentent seuls qui ont tendance à être le plus prévoyant.
D’autres pays abordent les choses différemment. Le Canada, par exemple, cultive la prévention, en osant parler de ces sujets complexes et en tentant des expérimentations.

Dans ce domaine, il existe aujourd’hui de supports pédagogiques et de prévention adaptés à toutes les particularités.

Observez-vous, malgré tout, un début d’évolution des mentalités ?
Oui, notamment dans les jeunes générations X, Y, Z, beaucoup plus altruistes que leurs aînées. On les sent plus curieuses d’aller vers les personnes âgées et d’apprendre de leur expérience. Pour elles, j’ai le sentiment qu’il n’est pas question de laisser partir leurs grands-parents sans en tirer les enseignements.
Cependant, ne demandez pas à un jeune de 25 ans de consacrer 3 € par mois dans un contrat de prévoyance. Peu importe sa culture, son pays d’origine, son niveau social ou autres, ce n’est pas son sujet à cette période de sa vie, et c’est tout à fait normal.

À quel moment la prévoyance s’aborde-t-elle le plus ?
Souvent lorsqu’on quitte l’entreprise : entre 60 et 65 ans. On se sent tout d’un coup abandonné. Beaucoup de nos repères se modifient. Nous voyons nos parents perdre leur autonomie ou mourir, avec parfois un grand sentiment d’impuissance et de culpabilité. Le besoin d’accompagnement est crucial à ce moment-là.

Qui peut les y aider ?
Pour moi, les mutuelles et leurs conseillers sont les plus légitimes dans ce rôle-là.
Il nous faut apprendre à parler de ces questions. C’est ce qui permet d’aider les personnes à mettre en place de bonnes routines et à s’équiper des bons outils, notamment en matière de prévoyance. Apprenons à apprivoiser le vieillir et le mourir, nous n’en virons que mieux.

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