Propos recueillis pour les Echos. Découvrir l’article en intégralité.
Les complémentaires de santé jouent un rôle central dans le financement des soins. Pourtant, chaque année, la loi de financement de la Sécurité sociale leur ajoute de nouvelles prises en charge, sans réellement évaluer leurs répercussions. Leur rôle ne peut se limiter à celui de simples exécutants des décisions prises ailleurs, défend Stéphane Junique, président de VYV.
La France peut se targuer d’avoir le reste à charge le plus faible du monde grâce à un système de complémentarité santé solidaire. Ce modèle unique garantit que l’accès aux soins reste abordable pour tous, même dans un contexte de hausse continue des dépenses médicales. Pourtant, cette réussite est aujourd’hui menacée par une gouvernance déséquilibrée, laissant les mutuelles en marge des décisions de financement.
L’augmentation massive des dépenses de santé, avec une hausse de 30 % de la consommation de soins et biens médicaux en seulement dix ans, est un phénomène bien connu. Il est accentué par le vieillissement de la population, la prévalence des maladies chroniques et le coût croissant des innovations médicales et des nouvelles technologies de santé.
Aujourd’hui, la situation des comptes sociaux atteint un niveau alarmant et la question du financement de la santé devient plus critique que jamais. En parallèle, les Français peinent à absorber l’augmentation constante des dépenses qui pèsent lourdement sur leur pouvoir d’achat et leur accès aux soins. Dans ce contexte, un aspect essentiel est trop souvent négligé : la gouvernance du financement des soins. Qui décide des modalités de prise en charge et selon quels critères ?
Une gouvernance dysfonctionnelle
Les mutuelles de santé, les assureurs et les instituts de prévoyance jouent un rôle central dans le financement des soins. Mais contrairement à l’Assurance maladie, ils ne peuvent utiliser l’endettement pour absorber l’impact des décisions prises par l’Etat. Chaque nouvelle prise en charge se répercute directement sur le coût des complémentaires santé, avec pour conséquence une hausse continue des cotisations.
Chaque nouvelle prise en charge se répercute directement sur le coût des complémentaires santé, avec pour conséquence une hausse continue des cotisations.
La gouvernance actuelle du système est dysfonctionnelle et génère des déséquilibres. Les négociations entre les professionnels de santé et l’Assurance maladie décident de la prise en charge des actes médicaux sans réellement évaluer les répercussions sur les organismes complémentaires. Chaque année, la Loi de Financement de la Sécurité sociale (LFSS) ajoute de nouvelles prises en charge, sans tenir compte des études d’impact nécessaires ni inclure les mutuelles dans les discussions. Le PLFSS 2025 prévoit des transferts vers les mutuelles de plus de 1,5 milliard d’euros en santé et au moins 600 millions sur l’indemnisation des arrêts de travail.
Renforcer la codécision
Des pratiques efficaces de codécision, comme l’ACIP, montrent que la concertation entre les pouvoirs publics et les acteurs peut porter ses fruits. Il est regrettable que l’initiative prise par l’ancien ministre de la Santé, François Braun, d’installer un comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDOC), ambitieux dans ses objectifs de départ, n’ait pas tenu la promesse d’une réelle concertation entre l’Etat, l’Assurance maladie et les mutuelles. Il devient urgent de formaliser une gouvernance partagée pour répondre à l’inexorable inflation des dépenses de santé à venir. Il est également urgent de favoriser le partage des données, à des fins de pilotage, entre les mutuelles et les autorités sanitaires, en assurant une régulation conforme aux normes européennes du RGPD.
Aujourd’hui, plus que jamais, les mutuelles restent un socle protecteur essentiel. Elles garantissent l’accès aux soins pour des millions de Français. C’est pourquoi leur rôle ne peut se limiter à celui de simples exécutants des décisions prises ailleurs. Une gouvernance partagée et transparente est essentielle pour l’avenir de notre système de santé.
Stéphane Junique est président du Groupe VYV